La Bretagne veille au grain. Celui d’une plante indissociable de ses traditions culinaires : le sarrasin. Tombé dans l’oubli dans les années 70, il revient en 1987 avec une Indication Géographique Protégée sur l’ensemble du territoire breton. Ses qualités gustatives et diététiques en font aujourd’hui un produit hautement désirable. Reportage dans les champs et visite de l’un des derniers moulins traditionnels… 

Sarrasin

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La culture du sarrasin, dit aussi blé noir, est une histoire éminemment bretonne… Enfin, pas au début puisque cette pseudo céréale sans gluten, de la même famille que l’oseille et la rhubarbe, est originaire de Chine. Elle débarque en Europe à la fin du XIVème siècle et colonise peu à peu les sols pauvres, les terres en jachère et les champs des paysans qui échappent ainsi aux impôts et taxes perçus sur les autres grains. 

Une culture saine 

Aujourd’hui présente dans toute la Bretagne historique, la plante se sème en mai, sans aucun pesticide ni engrais, cahier des charges oblige pour obtenir l’appellation « Blé noir de Bretagne® », avant d’être moissonnée fin septembre. Tels les sept hectares de Bertrand Larcher face à la mer d’Émeraude, en Ile et Vilaine, plantés de hampes blanches en cette fin août. Pauvre en azote conformément aux conditions de l’IGP, la parcelle est exploitée sous le mode agroforestier avec pas moins de 700 pommiers de 70 variétés différentes. Mieux, au centre du terrain, une vingtaine de ruches bourdonnent : le sarrasin est une plante mellifère. « Passer en maraichage classique en respectant la terre nous a permis de retrouver un cycle vertueux. Les oiseaux et les insectes reviennent en masse assurant ainsi la biodiversité », se réjouit le fondateur des Breizh Café, une success story qui compte treize adresses de crêperies en France et au Japon. 

© ©Louis-Laurent Grandadam

Un process sous contrôle 

Sitôt récolté, le sarrasin est trié et séché afin d’éviter les moisissures et de conserver à la graine ses qualités organoleptiques. Puis, les organismes collecteurs agréés le confient aux minoteries. Il va patienter là, pendant deux mois. Le grain est en effet encore trop vert pour être travaillé. Arrivé à maturité, il est brossé et nettoyé avant d’être broyé, tamisé, à nouveau broyé, parfois jusqu’à 8 reprises, et enfin mélangé avec des farines issues de la saison précédente. Ce mix est la condition sine qua none pour obtenir un produit homogène de qualité constante. En général, et depuis le XIXème siècle, le broyage notamment est réalisé avec de gros cylindres métalliques, à un fort rendement. Mais quelques moulins résistent et extraient la farine avec des meules de pierre… 

© ©Louis-Laurent Grandadam

Histoire de goût 

Le Moulin de la Fatigue est de ceux-là. Depuis 1870, rien n’a changé derrière les épais murs chaulés de la bâtisse. Excepté le moteur électrique qui entraine les deux meules en silex, la mouture est toujours tamisée dans des caissons en bois, transportée par des vis sans fin en peau de sanglier et entreposée dans des sacs en toile de coton. « Notre métier est comparable à celui des vignerons, confie Arnaud Chenard qui a repris la maison il y a peu. En fonction de la température extérieure et de l’humidité de la graine, on va mettre plus ou moins de temps pour en extraire tous les éléments ». Là où les cylindres métalliques obtiennent une tonne de farine en une à trois heures, les meules peuvent mettre jusqu’à neuf heures, avec un rendement plus faible. Au final, le produit est légèrement différent. La farine intégrale affiche un gris particulier, très minéral, et une saveur prononcée. Le blé noir breton d’Indication Géographique Protégée défend haut et fort cette note légèrement iodée, voire « noisettée » quand il s’agit de terroirs boisés acquiescent les deux hommes rencontrés, tous deux partenaires. Un argument de plus pour Bertrand Larcher qui n’a de cesse de vouloir inscrire au Patrimoine culinaire mondial de l’Unesco la fameuse galette bretonne au blé noir de Bretagne ! 

© ©Louis-Laurent Grandadam

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